Qui trop embrasse, mal étreint… ou quand le franchiseur colle un peu trop

Quand le contrat de franchise devient une cage dorée… Jusqu’où le franchiseur peut-il aller sans franchir la ligne rouge de l’ingérence ? Une décision de justice vient remettre les pendules à l’heure… et rappeler que l’indépendance du franchisé n’est pas négociable.

Publié le 28/07/2025 , Mis à jour le 31/07/2025, Temps de lecture: 3 min

Qui trop embrasse, mal étreint… ou quand le franchiseur colle un peu trop

Franchise : jusqu’où peut aller le contrôle du franchiseur ?

Dans la galaxie – parfois cosmétique – des relations contractuelles, la franchise est censée reposer sur un bel équilibre : un franchiseur expérimenté, un franchisé motivé, une marque connue… et tout le monde est censé rayonner.

Mais quand le franchiseur tient le manche… et la brosse, le balai, les prix, le stock, la comptabilité, le marketing et même la disposition des cabines de soins, il devient légitime de se demander si le franchisé est encore un commerçant indépendant… ou juste un salarié qui s’ignore.

C’est précisément ce que la Cour d’appel de Nîmes – saisie après un retour de manivelle de la Cour de cassation (arrêt du 3 juillet 2024*) – a eu à trancher dans une affaire opposant un franchiseur très en vue dans le secteur des soins esthétiques à une franchisée du sud de la France.

Le contrat ? Signé pour cinq ans. Quelques jours avant le dépôt de bilan de son entreprise, la franchisée écrit à son franchiseur pour revendiquer le statut de gérant de succursale, autrement dit le bénéfice d’un statut salarié.

Elle explique que le contrat… et surtout les pratiques, n’étaient pas l’eldorado de l’entrepreneuriat, mais plutôt un CDI déguisé en institut de beauté.

Quand le maquillage ne suffit plus

Au cœur du litige : un contrat de franchise au vernis un peu trop épais.

  • Un prévisionnel enjolivé par le franchiseur, digne d’une start-up en levée de fonds ;
  • Un stock imposé, propriété du franchiseur, d’un montant trois fois supérieur à celui inscrit dans le prévisionnel initial ;
  • Des prix de vente minimums obligatoires ;
  • Une politique commerciale ultra-encadrée ;
  • Une remontée automatique du chiffre d’affaires en temps réel (Big Brother is beautifying you) ;
  • Et jusqu’au moindre centimètre carré de l’institut soumis à validation par la tête de réseau.

La cerise sur le gâteau ? Le franchisé devait reverser l’intégralité de ses recettes au franchiseur, qui lui versait ensuite une simple commission de 35 % de son chiffre d’affaires.

Mais attention, cette commission n’était accordée que sous conditions : le franchisé ne pouvait vendre que les produits du réseau, appliquer les tarifs imposés, et exécuter à la lettre les campagnes commerciales décidées en amont. Aucune marge de manœuvre.

Autant dire que niveau autonomie, on repassera.

Franchise ou gérance de succursale ? Un dilemme esthétique

C’est là que l’article L. 7321-2 du Code du travail entre en scène, en mode relooking juridique. Il permet de requalifier une franchise en contrat de gérance de succursale dès lors que le franchisé n’a, en réalité, aucune autonomie de gestion.

Et ici, c’est peu dire que la franchisée était manucurée jusqu’au bout des ongles par le franchiseur.

La cour d’appel a donc tranché : le contrat de franchise masquait une relation de subordination. Le franchisé n’avait aucune liberté réelle : ni sur les prix, ni sur les produits, ni sur la stratégie commerciale.

Bref : pas de liberté, pas de franchise.

Cabinet ROY & ASSOCIÉS
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