Contrat de franchise non signé : le versement du droit d’entrée suffit-il à sceller l’accord ?
Droit d'entrée versé sans contrat signé = Remboursement ! La justice tranche : payer ne vaut pas acceptation. Un arrêt de 2025 oblige un réseau à rendre 15 000 €. Franchiseurs, candidats : découvrez les règles impératives pour éviter ce piège.
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Benjamin Thomas, writer
Publié le 25/11/2025 , Temps de lecture: 6 min
[En bref] Un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris confirme que les échanges financiers ou un début de formation ne valent pas acceptation tacite du contrat de franchise. Une décision capitale pour la sécurité juridique des têtes de réseau comme pour celle des porteurs de projet.
L’avant signature du contrat de franchise est une zone grise où l’enthousiasme des affaires précède souvent la rigueur juridique. D’un côté, une tête de réseau rassurée par l’encaissement d’un acompte ou d’une indemnité de réservation ; de l’autre, un candidat entrepreneur qui s’investit, paie, et se projette, sans pour autant avoir apposé son paraphe au bas de la liasse contractuelle.
Dans cette dynamique de période précontractuelle, une question cruciale se pose : à quel moment précis le point de non-retour est-il franchi ? La justice vient d’apporter une réponse qui devrait inciter tout le secteur du commerce organisé à la plus grande vigilance.
Dans un arrêt rendu le 25 septembre 2025 (Pôle 5 — chambre 3, n° 21/20865), la Cour d’appel de Paris a rappelé les fondamentaux du droit des obligations. La décision est sans équivoque : matérialiser son intention par un virement bancaire (même substantiel) ne remplace pas la rencontre des volontés sur les conditions essentielles du contrat.
Cette jurisprudence est un rappel à l’ordre salutaire. Elle souligne que le formalisme, souvent perçu comme une lourdeur administrative, est en réalité le meilleur rempart contre l’insécurité juridique, tant pour le franchiseur qui souhaite verrouiller son développement que pour le candidat qui veut garder la maîtrise de son engagement.
Décryptage d’une affaire où l’implicite a coûté cher, et analyse des bonnes pratiques pour sécuriser vos signatures.
Le cas d’école : quand le flou juridique coûte cher à tout le monde
Pour bien comprendre la portée de cet arrêt, il faut se pencher sur la mécanique des faits. C’est un scénario classique qui pourrait arriver à n’importe quel réseau en phase de développement.
L’illusion de l’accord parfait
Au départ, tout semble s’aligner. Un franchiseur et un candidat à la franchise signent un contrat de réservation de zone. Le candidat verse 5.000€, une somme destinée à être déduite du futur droit d’entrée. Jusque-là, rien d’anormal, c’est une pratique courante.
La machine s’emballe ensuite :
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Le franchiseur remet le fameux DIP (Document d’Information Préalable) et le projet de contrat final.
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Confiant, le candidat verse un complément de 15.000€ (correspondant au solde du droit d’entrée).
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Il sollicite même une journée de formation pour se lancer.
Vu de l’extérieur, et certainement vu du siège de l’enseigne, l’affaire semble conclue. Les fonds sont là, l’intention est là. Pourtant, une pièce manque au puzzle : le contrat de franchise n’a jamais été signé.
Le point de rupture
C’est là que la situation se tend. Le candidat, pour des raisons qui lui appartiennent, décide finalement de ne pas donner suite. Il n’a pas signé le contrat et n’a pas exécuté les obligations prévues (travaux, ouverture, etc.).
La question complexe arrive alors sur la table : qui garde les 15.000€ ? Pour l’enseigne, cette somme est acquise : le candidat a payé et commencé le processus, il a donc tacitement accepté le contrat. Pour le candidat, sans signature, il n’y a pas d’engagement : il veut récupérer sa mise.
L’analyse de la Cour : l’absence de signature est sanctionnée
La Cour d’appel de Paris a tranché, et sa lecture est stricte. Elle rappelle un principe que l’on a tendance à oublier dans l’action : S’il ne faut pas nécessairement de signature écrite pour qu’un contrat existe, le consensualisme a ses limites, surtout quand les enjeux sont lourds.
Le “faisceau d’indices” jugé insuffisant
Les juges ont estimé que les éléments avancés par le franchiseur (paiements, demande de formation) ne constituaient pas une preuve suffisante. Pourquoi ? Parce que pour qu’un contrat soit formé sans signature, il faut prouver une “volonté non équivoque” d’accepter toutes les conditions du projet.
Or, ici, verser de l’argent peut simplement traduire une intention de poursuivre les pourparlers, pas nécessairement d’accepter l’intégralité des clauses et obligations qui régissent la future relation de franchise.
La sanction immédiate : la restitution
Le verdict est sans appel pour la tête de réseau qui a été condamné à restituer les 15.000€. La leçon est claire : l’argent encaissé avant la signature reste précaire. Sans contrat dûment paraphé, le franchiseur détient des fonds sans cause juridique solide, s’exposant à une action en restitution.
Franchiseurs et Candidats : 5 règles d’or pour sécuriser vos signatures
Que vous soyez celui qui développe le réseau ou celui qui le rejoint, l’ambiguïté est votre pire ennemie. Voici comment sécuriser vos procédures pour éviter le contentieux.
1. Le DIP n’est pas un pré-contrat
Franchiseurs : Ne considérez jamais la remise du DIP ou l’envoi du projet de contrat comme une validation. C’est une obligation légale d’information (Loi Doubin), pas un acte d’engagement du candidat.
Candidats : Recevoir un DIP ne vous engage pas. Prenez le temps d’analyser ces documents avec un expert-comptable ou un avocat avant de verser le moindre euro.
2. L’écrit reste roi
Même si la loi française admet qu’un contrat peut se former par le simple échange des consentements, en matière de franchise, l’écrit est indispensable pour des raisons de preuve. Tant que le contrat de franchise définitif n’est pas signé, considérez que la négociation est toujours en cours.
3. L’exécution ne vaut pas acceptation automatique
Attention à la précipitation.
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Commencer la formation initiale avant de signer ? Mauvaise idée.
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Lancer les travaux d’aménagement avant de signer ? Pour les juges, ces actes peuvent être interprétés comme des préparatifs, et non comme une exécution du contrat de franchise lui-même.
4. Clarifiez le sort des sommes versées
Si vous utilisez des contrats de réservation (ce qui est recommandé pour bloquer une zone), soyez limpides : “Si le contrat de franchise n’est pas signé à telle date, le montant de la réservation est-il perdu ou remboursé ?” Une telle clause doit être écrite noir sur blanc. Sans cela, le flou profitera souvent à la partie la plus faible (le candidat).
5. Exigez la “Volonté non équivoque”
Pour le franchiseur, cela signifie ne pas se contenter d’un accord oral ou d’un virement. Il faut formaliser chaque étape. Si le candidat hésite à signer, mais veut payer pour “avancer”, c’est un signal d’alerte. Il est préférable de sécuriser la signature avant tout encaissement définitif.
FAQ : Vos questions sur la formation du contrat de franchise
Le paiement du droit d’entrée vaut-il signature du contrat ?
Non. La Cour d’appel confirme que le versement du droit d’entrée manifeste une intention, mais ne suffit pas à prouver l’acceptation de toutes les clauses du contrat de franchise si celui-ci n’est pas signé.
Peut-on commencer la formation sans avoir signé le contrat ?
C’est techniquement possible, mais juridiquement risqué. Si le contrat n’est finalement pas signé, le candidat pourrait réclamer le remboursement des frais engagés, arguant que le cadre contractuel n’existait pas.
Le franchiseur doit-il rendre l’argent si le contrat ne se fait pas ?
Si aucun contrat (réservation ou franchise) ne précise clairement que les sommes sont conservées à titre d’indemnité d’immobilisation, le franchiseur risque de devoir restituer l’intégralité des montants perçus.
Prochaine étape pour vous ?
Si vous êtes franchiseur, c’est le moment idéal pour auditer votre processus d’intégration des candidats : vos contrats de réservation sont-ils assez solides pour conserver les fonds en cas de désistement ? Si vous êtes candidat, vérifiez l’état de vos versements : avez-vous payé plus que ce que le contrat de réservation prévoyait, sans avoir signé le contrat final ?



Benjamin Thomas, writer
