L’inflation et la baisse des naissances freinent le marché des jeux et jouets en 2023
Bilan de 2023 pour le marché des jeux et jouets, impacté par la conjoncture économique et le déclin des naissances
Le marché français des jeux et jouets a connu une année 2023 marquée par une forte inflation et une importante baisse des naissances. Malgré des performances prometteuses pour les nouveautés de Noël, le secteur a été confronté à un recul de 5 % en valeur par rapport à l'année précédente.
Le marché du jouet en repli en France et en Europe
Selon les données du panel distributeurs Circana, qui couvre l'essentiel des ventes de jeux et jouets en France, le marché français a enregistré une baisse de 5,2 % en valeur en 2023. Cette performance s'aligne sur celle de nos voisins européens. Le Royaume-Uni a ainsi enregistré une baisse de 5,4 % et l'Allemagne de 5,2 %. Cette réduction s'inscrit dans un contexte économique difficile, caractérisé par une consommation en berne et une natalité en déclin.
Frédérique Tutt, Expert Monde du marché du jouet pour Circana, estime que cette situation est notamment due au fait que « les Français ont fait un Noël à l'économie cette année », avec une baisse de 2 % du chiffre d'affaires des jeux et jouets en décembre. Cependant, elle souligne que les consommateurs français ont continué à privilégier les nouveautés malgré les pressions budgétaires, et que le marché français est maintenant estimé à environ 4,3 milliards d'euros pour 2023.
A l’image de ce qui s’est passé ces dernières années, les ventes de Noël ont démarré tard et ont largement progressé en décembre. « Les Français ont attendu le dernier moment avant de commencer leurs achats, confirme l’experte. C’est vraiment dans la dernière ligne droite que les ventes se sont décantées. Le mois de décembre représente maintenant 30 % des ventes annuelles contre 27 % en 2022 ».
Plus que jamais, la création, l’innovation et le lancement de nouveaux produits par tous nos fabricants, restent des moteurs essentiels de croissance et de dynamisme pour notre marché, tout au long de l’année
Baisse de natalité et hausse de jouets d’occasion
L'un des facteurs clés du recul du marché des jeux et jouets en France reste incontestablement le déclin des naissances. En 2023, le nombre de naissances a atteint son niveau le plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale, avec une diminution de 6,6 % par rapport à 2022 et de 20 % par rapport à 2010. Cela a eu un impact significatif sur le marché du jouet, entraînant une réduction de 60 millions d'euros, soit environ 1,4 point de croissance en moins.
Un autre facteur est la conjoncture économique, marquée par une baisse du pouvoir d'achat des ménages. Les consommateurs ont fait des arbitrages en privilégiant les marques distributeurs, le fait maison et des produits alternatifs au haut de gamme, ce qui a entraîné une perte d'un point de croissance sur les achats d'impulsion à petits prix. De plus, la seconde main a gagné en popularité, amputant le marché du neuf d'un autre point de croissance sur l'année.
« Malgré une année en recul en France et chez nos principaux voisins européens, la reprise des ventes sur décembre soutenue par la bonne performance des nouveautés montre que les consommateurs ont à nouveau arbitré en faveur des achats de jouets à Noël, tient néanmoins à rassurer Florent Leroux, Président de la Fédération française des Industries Jouets-Puériculture (FJP). Plus que jamais, la création, l’innovation et le lancement de nouveaux produits par tous nos fabricants, restent des moteurs essentiels de croissance et de dynamisme pour notre marché, tout au long de l’année. »
Les enseignes spécialisées résistent, les hypers et supermarchés dégringolent
En 2023, les enseignes spécialisées dans le jouet ont continué de gagner des parts de marché malgré un recul de 2 % en valeur sur l'année, avec un chiffre d'affaires équivalent à 2022 pour le seul mois de décembre. En revanche, les hypermarchés ont subi une baisse de 10 %. Les ventes en ligne, toutes catégories de distributeurs confondues, ont également baissé de 4,6 % sur l'année, en accord avec l'évolution générale du marché.
« En dépit d’une consommation en baisse sur l’ensemble de l’année 2023, le circuit spécialiste tire son épingle du jeu sur le permanent et maintient ses ventes en valeur sur la fin d’année, confirme Philipe Gueydon, Co-Président de la Fédération des Commerces spécialistes des Jouets et des Produits de l'Enfant (FCJPE) et président de King Jouet. Cette belle résistance, dans un contexte marqué par l’inflation et un changement d’habitude de nos clients, permet à nos enseignes de gagner des parts de marché par rapport aux autres circuits. C’est la confirmation de la pertinence de notre modèle omnicanal, qui s’inscrit résolument dans les valeurs de nos clients, que ce soit en terme de potentiel ludo-éducatif des produits que nous proposons, de leur éco-conception, du rôle de nos équipes afin d’enchanter l’expérience client en magasin. »
Top vente Noël 2023 : Compagnons interactifs, kidultes et nouveautés
Les ventes de Noël en 2023 ont été marquées par les compagnons interactifs, tels que Furby et Bitzee, qui ont figuré parmi les meilleures ventes de décembre. Les nouveautés lancées depuis la rentrée des classes ont également été plébiscitées par les consommateurs, avec une augmentation des ventes de 9 % par rapport à 2022.
Sur l’ensemble de l’année, les cartes stratégiques, les jeux de cartes, la construction et les figurines préscolaires figurent parmi les catégories plébiscitées. Le marché des kidultes (ces adolescents et adultes qui boostent le secteur des jeux et jouets) continue de se développer. Les ventes ont ainsi progressé de 7% au cours de l’année 2023.
Tendances 2024 : budgets serrés et bons plans
Pour l'année 2024, Circana reste prudent dans ses prévisions, soulignant que les Français ont fait leurs achats à la dernière minute en 2023 pour profiter au mieux des promotions et gérer leur budget cadeaux de manière optimale.
« Certains d’entre eux ont aussi eu recours à la seconde main pour faire des économies et certains achats de jouets, pour des occasions plus secondaires n’ont tout simplement pas été réalisés, rappelle Frédérique Tutt. Pour retrouver le chemin de la croissance, le marché du jouet compte sur un redressement de l’économie et une amélioration du budget des ménages, sur les nouveautés ainsi que les jouets liés aux licences pour continuer de séduire les enfants et les adultes ».
Les kidultes encore plus chouchoutés en 2024
Toutes les opportunités du marché seront donc bonnes à saisir, en 2024, pour tenter de booster les ventes. Les acteurs sont ainsi particulièrement attentifs aux kidultes, qui génèrent désormais 30 % de leurs ventes. Il est fort à parier que les enseignes développeront une offre pertinente de contre-saisonnalité et participeront au développement des ventes et achats de jouets d’occasion.
« Face au défi des changements de consommation, les enseignes spécialistes de jouet entendent saisir les opportunités liées aux nouvelles habitudes de nos clients afin de continuer à se développer, en portant une attention particulière au marché des kidultes, en favorisant de nouvelles occasions d’achat par une offre pertinente, et en prenant une place légitime dans les achats de seconde main » résume Philippe Gueydon.
Améliorer le pouvoir d'achat des jeunes parents : une priorité pour 2024
Alors que la France a enregistré 160.000 naissances en moins en 2023 qu’en 2010, la question de la baisse de natalité est loin d’être vaine pour le marché du jouet. D’abord parce que ce recul pénalise le marché du jouet de 1,4 % par an selon Circana. Mais également parce qu’à plus long terme, c’est tout un budget qui est inexistant.
« Combinée à l’érosion du pouvoir d’achat des familles liée au retour de l’inflation, cette baisse de la natalité rend nécessaire le retour d’une politique familiale ambitieuse pour accompagner les nouveaux parents (crèches, logement, organisation du travail etc.) mais aussi de se mobiliser pour soutenir leur pouvoir d’achat », rappelle Olivier Rigal, Vice-Président Puériculture à la FJP.
Au lendemain des annonces faites par Emmanuel Macron pour relancer la natalité en France, avec notamment la disparition du congé parental au profil d’un congé de naissance de six mois, plus court mais mieux rémunéré, la FJP, compte bien poursuivre la défense de ses deux propositions en faveur des familles. Il s’agit de
- la diminution du taux de la TVA de 20 % à 5,5 %, pour les produits de sécurité obligatoires pour les bébés et les enfants comme les sièges-auto, ou les coques. Cette mesure est déjà en vigueur dans plusieurs pays européens dont l’Italie, l’Irlande, la Pologne, le Portugal et le Royaume-Uni
- la possibilité d’un déblocage anticipé de l’épargne salariale dès le premier enfant. Cette autorisation est actuellement accordée à partir du 3e enfant. L’application de cette mesure libérerait du pouvoir d’achat pour les nouveaux parents tout en étant neutre pour les finances publiques.
